Maquette Ranger 8 au 1/24e

Voici la conception et le montage d'une maquette de la sonde lunaire Ranger 8 qui fut lancée en février 1965 pour aller s'écraser sur la Lune, dans la Mer de la Tranquillité. Non sans avoir pris des photos rapprochées du terrain avant l'impact.
Le but était d'étudier le terrain dans le cadre de la préparation du programme Apollo.



Petit rappel : la sonde Ranger 8
 

 


 

 
 
La sonde se compose d’un compartiment hexagonal surmonté d’un cône contenant six caméras. Deux panneaux solaires déployables. Moteurs de correction d’attitude et un moteur de correction de trajectoire.
 
Mon point de départ est le blueprint du JPL :
 

 

 
PHASE 1 : la modélisation
 
Pour la modélisation, j’ai utilisé l’excellent logiciel Rhino 5. Durant 130heures étalées sur quatre mois, j’ai dessiné l’engin en décalquant les profils sur les plans, puis en construisant le relief : ceci assure un maximum de précision et de fidélité.
Quelques étapes du dessin :
 
L’une des deux platines du système de contrôle d’attitude (avec réservoir d’hélium et boitier de commande)
 

 
Un morceau de bravoure : ce sont les pattes de fixation des tripodes qui retiennent les panneaux solaire en position repliée :
 

 

 
L’ensemble prend forme :
 

 
L’ensemble presque achevé :
 

 

 
La baie scientifique qui contient les six caméras :
 

 
La baie d’équipement :
 

 

 
L’un des vérins de déploiement des panneaux solaires :
 

 
Le moteur de correction de trajectoire :
 

 
L’antenne :
 

 
Et voici une série de vues (des « rendus ») de l’engin terminé :
 

 

 

 

 
Enfin, pour le fun, un petit « raytracing » avec les couleurs du vrai :
 

 
Phase 2 : le prototypage des pièces
 
Dans l’optique d’en produire éventuellement un « garage kit », j’ai placé les pièces sur des grappes et envoyé le tout au prototypeur pour impression en stéréo lithographie.
 
J’ai regroupé les pièces sur trois « plateaux » de 8x4cm en adaptant les éléments en fonction des contraintes assez particulières liées au procédé d’impression.
 

 

 

 
Puis chaque pièce a été convertie au format STL (stéréo lithographie), puis corrigée des défauts essentiels et enfin envoyée chez le prototypeur.
 
Dans le même temps, la photo découpe était finalisée et un jeu de tiges de laiton commandé chez un tourneur équipé d’une commande numérique.
 
PHASE 3 : La préparation du master.
 
Voici des photos des pièces envoyées par « l’imprimeur ». Le rendu est exceptionnel puisque les plus petits détails visibles mesurent 5/100 de mm !
Commence alors le nettoyage final des pièces dont certaines seront « habillées » de photo découpe.
Puis l’ensemble sera reproduit par moulage.
 

 

 
L’envers d’un panneau solaire
 

 
La baie d’équipement :
 

 
Les platines des réservoirs d’hélium :
 

 
Moteurs d’attitude, connecteurs et senseurs :
 

 
Le très complexe système d’orientation de l’antenne :
 

 
Les fameuses ferrures des tripodes de maintien des panneaux !
 

 
Diverses tiges et vérins des panneaux :
 

 
Les minuscules clips de maintien des tubes d’amenée d’hélium pour les moteurs d’attitude :
 

 
 
 
Voici quelques photos des 35 étapes d'assemblage des 167 pièces de ce kit.
Les pièces se dégrappent très bien, pratiquement aucun nettoyage requis. Assemblage facile malgré la taille très réduite de certaines. Pour le moment, tout va bien.
 
Pour donner l'échelle : les carreaux du mat bleu en arrière-plan mesurent 1cm de côté.
 
La case à instruments :
 

 
Les six caméras de prise de vue :
 

 
Le moteur de correction de trajectoire :
 

 
Son support dans le corps principal :
 

 
Vue de dessous avec son parement en photo découpe :
 

 
Le moteur en place (pas collé) :
 

 
Vue de dessus :
 

 
Le capot de protection (juste posé) :
 

 
 
 
Le module de service vu de dessous. Collage des six supports d'équipement :
 

 
Le même vu de dessus :
 

 

 
Les deux platines des moteurs d'attitude :
 

 

 
Première mise en peinture (Alclad2 sur base noir brillante). Couleurs :  aluminium poli, acier et magnésium
 

 

 

 
 
 

 

 

 

 
 
 
Les deux panneaux solaires :
 

 

 
La structure hexagonale qui supporte la sonde. Elle est composée de six barres en laiton tourné qui s’emmanchent dans des embouts en résine. Quatre barres obliques supplémentaires sont faites de la même façon.
 

 

 

 
Mise en place des deux platines des moteurs d’orientation :
 

 

 

 

 

 
La couronne de base supporte une série de connecteurs et platines :
 

 

 

 

 

 
 
 
On passe maintenant à l’ensemble constitué de l’antenne à haut gain et de son complexe mécanisme d’orientation :
 

 

 

 

 
Le mécanisme d’orientation.
Très compliqué, il est constitué de 13 pièces, dont un capteur d’étoile et ses écrans pare-soleil.
Il est articulé pour permettre plus tard de positionner l’antenne selon qu’on la veut déployée ou non.
 

 
Ici à droite de la photo on voit le mécanisme dans ses deux positions extrêmes : replié et déplié :
 

 

 

 
 
 

 
Et je ne résiste pas à faire un petit montage à blanc pour avoir une première idée d’ensemble :
 

 

 
 
 
 
Premier chapitre « délicat » : l’assemblage du grillage de l’antenne à haut gain.
Il est composé de 12 secteurs en treillis tissé de laiton, embossés entre deux gabarits en résine conçus pour l’occasion. Les gabarits servent aussi à tracer les contours (au feutre à pointe souple).
Ils sont enfin découpés à la bonne dimension.
Ensuite, assemblage provisoire à l’aide d’adhésif de masquage et perçage des trous de passage des supports de l’antenne. J’utilise une fraise à grande vitesse car un foret arracherait le treillis.
 
 
 

 
Le centre est dégagé à l’emporte-pièce.
 

 
Collage sur le châssis en résine assemblé plus tôt. J’utilise de la super glue épaisse pour ne pas imprégner le treillis.
 

 
 
 
Fin de l’assemblage de l’antenne à haut gain :
 

 

 
Pose des moteurs de correction d’attitude :
 

 
Encore un boitier de connexion :
 

 

 
Second morceau de bravoure. L’assemblage très délicat des quatre supports qui maintiennent les panneaux solaires repliés pendant le lancement.
Une fois la bonne méthode trouvée, ça va tout seul !
 

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Mise en place des tubes d’alimentation en hélium des moteurs d’attitude :
 

 

 
Les six bras qui servent à soutenir l’antenne quand elle est en position repliée sous l’engin lors du lancement :
 

 

 
Les deux panneaux de protection thermique avant les retouches de peinture et l’assemblage final :
 

 
Et voilà !
 

 

 

 

 

 

 

 
Il reste encore des câbles, des tuyaux, des détails à ajouter mais le principal est fait.
 
_Bruno

Un régal de suivre ce travail ; un rendu bluffant ; un monde qui m'est inconnu, mais que tu présentes si bien que cela parait facile !

:ven:

Beau travail 
Combien cela coûte de faire imprimer de telles pièces (tu parles de plateaux de 8 x 4 cm) ?

Vonfeld a écrit:Combien cela coûte de faire imprimer de telles pièces (tu parles de plateaux de 8 x 4 cm) ?

Ici il s'agit de stéréo-lithographie (impression par polymérisation dans un bain de résine avec des rayons UV).
C'est le procédé le plus précis (jusqu'à 10microns - 0,01mm sur certaines machines) mais aussi le plus lent et le plus cher.
Un ordre de grandeur : pour un plateau de 8x4cm il faut compter entre 100 et 200€ par cm de hauteur.
L'impression est très lente et le tarif est calculé selon le temps passé en non pas la quantité de résine.

Le bon côté est que ce type d'imprimante augmente en précision et baisse en prix tous les jours. Dans trois ou quatre ans cela va devenir plus abordable... à moins que la nouvelle technologie CLIP, 50 fois plus rapide et encore meilleure en précision ne balaye tout.
En ce moment la technologie évolue à toute vitesse. Les coûts cités plus haut sont peut-être déjà périmés.

_Bruno

Bravo Bruno.

C'est magnifique.
Il y a de la magie dans ce que tu fais.

On est loin de la maquette des années 80 du destroyer de 3.000 pièces, et de 15cm de long que j'ai encore en mémoire.

Pourquoi avoir choisi Ranger-8 ? Selon quels critères as-tu fait le choix de cet engin ?

Que peux-tu me dire sur le logiciel Rhino 5 que je ne connais pas ?

Amitiés.



P.S.: Est-il possible de te passer commande de mon engin spatial préféré ???

Excellent, félicitations ! Je suis fasciné par la qualité d'impression...

Keyhole a écrit:Pourquoi avoir choisi Ranger-8 ? Selon quels critères as-tu fait le choix de cet engin ?

Que peux-tu me dire sur le logiciel Rhino 5 que je ne connais pas ?

Salut Jacques,
Parmi les plans originaux du JPL à ma disposition, Ranger me paraissait le plus simple à dessiner et à concevoir comme kit... grave erreur :eeks: .
C'était aussi mon 4e kit conçu avec Rhino; les trois premiers étant réalisés "en phase d'apprentissage du logiciel" et je ne voulait pas me confronter à des formes trop complexes.
Bien m'en a pris car sur les 168 pièces j'ai dû en redessiner 6 seulement car elles ne passaient pas la phase de la reproduction par moulage.
A mon grand soulagement lors du montage je n'ai eu aucun ajustement à faire : vive la conception 3D!
A présent, je me sens plus à l'aise et je vais m'attaquer à plus difficile.

Rhinoceros (Rhino) est un logiciel américain de dessin 3D en NURBS qui un lointain descendant de Blender mais avec une convivialité et une ergonomie bien meilleures (Windows et Mac).
Comme tous les logiciels professionnels du genre, il n'est pas donné mais reste excellent pour le dessin des formes géométriques. Tellement complet que je dois en utiliser 10% seulement.
Pour les formes organiques, le must reste Zbrush, mais là aussi c'est pas donné.
http://www.rhino4you.com/

Amitiés
Bruno

Super beau travail. 
C’est un ‘’vieux’’ maquettiste qui te le dit – maquettiste qui en a même fait son métier pendant 16 années. 
Effectivement, la 3D a cette fois révolutionné le travail et ton boulot en est la preuve. 
Certes, je pense encore pouvoir rivaliser avec ‘’le produit’’ que tu as fait, mais à quel prix au niveau du temps et en perdant assurément de la précision et de la rigueur. 
Conclusion, il va falloir que je m’y mette à la retraite !

Chapeau bas.

Merci Tezio pour ton appréciation.
Tout un symbole : j'ai achevé ce Ranger en février dernier, au moment même de fêter mes 50 ans de maquettisme!
En effet, l'irruption de la 3D, puis sa -relative- démocratisation ont bouleversé notre activité, encore plus profondément que ne l'avait fait la photo-découpe au début de ce siècle.
Si on ajoute Internet et sa puissance, le paradis des maquettistes est en train de prendre une autre dimension.

Cependant il ne faut pas perdre de vue que, tout comme la photo-découpe, la conception 3D "chez soi" demande un temps énorme. Pour Ranger, la conception seule représente 80% du temps passé sur ce projet.

C'est marrant : on est tous à se dire "va falloir que je m'y mette à la retraite", moi le premier!
_Bruno

PS : séquelle de ce projet, ce Ranger est disponible ici en série limitée http://www.larsenal.com/PBSCCatalog.asp?BrandID=212139