La conquête spatiale sous l'occupation (1939/1945)

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Bonjours à tous.
Étant allé en Normandie (plages du débarquement) il y'a de cela quelques semaines, une question m'est naturellement venue (et me tarabuste encore).
Quid de la conquête spatiale sous l'occupation nazie? Quid des prémices de l'exploration spatiale habité à cette époque? Et surtout, en quoi une technologie spatiale a/aurait pu jouer un rôle dans les opérations de débarquement alliés. (Les cartes aériennes semblent n'avoir été réalisées que par le biais de prises de vues avions...)

En clair, où en était la conquête spatiale au cours de la seconde guerre mondiale?
N'était-elle cantonnée qu'à la conception de missiles, y'avait-il déjà de premières fusées? (ou peut-être de premières visions?)
voilà.
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Sidjay

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Les V2, ça ne te dit rien ? c'est la base de la conquete spatiale soviétique et américaines d'après guerre.
Et Von Braun ? c'est un peu le père de nos fusées.
Meme si sa passion pour l'espace a été détournée par le nazisme, l'après guerre lui a ouvert les portes de l'espace.
Mustard
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D'ailleurs, une fois modifié, ça n'as pas été le premier objet à être allé dans l'espace ?
Kitu
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Mustard a écrit:Les V2, ça ne te dit rien ? c'est la base de la conquete spatiale soviétique et américaines d'après guerre.
Et Von Braun ? c'est un peu le père de nos fusées.
Meme si sa passion pour l'espace a été détournée par le nazisme, l'après guerre lui a ouvert les portes de l'espace.

Si bien sûr!
Cependant ma question porte sur le spatial durant la guerre. Peut on associer les technologies spatiales de l'époque aux opérations de guerre? Finalement 70 ans ca n'est pas bien vieux sur l'échelle du temps, mais j'ignore si c'est justement la seconde guerre mondiale qui a permis aux fusées de s'envoler où si elles le pouvaient avant ou durant. ;)
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Sidjay

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La British Interplanetary Society a étudié une mission habitée vers la Lune à la fin des années 1930 (donc un peu avant la guerre), avec fusée à plusieurs étages, atterrisseur, etc.
Etude uniquement théorique.
Pendant la guerre, on avait d'autres préoccupations.
lambda0
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Vraisemblablement c'est bien la guerre qui a permis de développer les premières fusées (V2) : http://www.anti-rev.org/textes/Durand97a/

Dans le documentaire de France 5 sur l'histoire de la conquête spatiale que j'ai posté hier il est question de Wernher von Braun qui, récupéré par les américains [les savants allemands étaient l'enjeu d'arriver en premier à Berlin, entre les russes et les américains] a permis à la NASA de développer - à grand peine : explosions à l'envol - à la suite des russes les premières fusées vers l'espace plusieurs années après la fin de la guerre (1957-1958) ... (donc à priori il n'y en avait pas qui étaient capables de cela avant )
Gergovi
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Il y avait Jean Jacques Barré: http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Jacques_Barr%C3%A9
Loulou
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Ayant fait des recherches sur le sujet il y a quelques années, je tenais à apporter une petite contribution au topic. Je m'excuse pour la longueur du post, mais chaque détail compte ^^

Voici donc un petit résumé de la situation pour le spatial français des années 1930 jusqu'à la fin de l'occupation (et vous allez voir qu'il s'en est passé des choses  Super) :

Tout d'abord, commençons par le commencement. Le théoricien français de la fusée s'appelait Robert Esnault-Pelterie. Cet homme était Ingénieur de formation mais également pilote. Il publia en 1930 un ouvrage théorique fondateur : l'Astronautique, dont les quatre premiers chapitres décrivaient les caractéristiques techniques des fusées tandis que les quatre suivant abordaient des questions plus larges comme la révolution d'un véhicule spatial autour de la Terre ou bien le vol interplanétaire. Esnault-Pelterie eut l'occasion de débuter ses premières expériences dans son laboratoire personnel de Boulogne-sur-Seine à cette même époque.

La conquête spatiale sous l'occupation (1939/1945) Robert_Esnault-Pelterie_node_full_image_2
Robert Esnault-Pelterie (1881-1957)

Manquant de fonds pour approfondir ses expériences, il essaya d'obtenir une aide du Ministère de la Guerre qui la lui refusa. Dans sa réponse, le Ministère appuie son avis par le fait que les obstacles techniques étaient bien trop importants pour pouvoir espérer des résultat à court terme.

Durant cette période, il correspondait également avec un militaire qui s'intéressait à ses travaux : le lieutenant Jean-Jacques Barré. En novembre 1930 et à défaut d'obtenir des financements, il demanda au Ministère de la Guerre le détachement du lieutenant Barré, un ingénieur militaire intéressé par ses travaux.

A sa grande surprise, le Ministère accepta. De fil en aiguille, des contacts plus poussés se firent avec le Ministère, entre autres avec le général Ferrié qui fit en sorte d'obtenir au binôme Esnault-Pelterie Barré, les crédits militaires nécessaires afin qu'ils approfondissent leurs recherches. 

La conquête spatiale sous l'occupation (1939/1945) Barre_06
Jean-Jacques Barré (1901-1978)

Ce financement leur permit d'envisager la construction d'une fusée de 100 kilogrammes propulsée par un moteur de 300 kilogrammes de poussée (puissance calculée par le binôme Esnault-Pelterie & Barré pour atteindre l'altitude de 200 kilomètres). Le Ministère de la Guerre, commençant à entrevoir la valeur de ces travaux, leur construisit même à Satory, près de Versailles, un important banc d'essai.

Les premiers essais d'une chambre de combustion se déroulèrent avec succès entre avril 1935 et mai 1936. Jusqu'en juin 1940, les travaux d'Esnault-Pelterie et de Barré étaient alors essentiellement focalisés sur la résolution du problème des tuyères non-refroidies, ceci en étudiant des alliages réfractaires à des températures de l'ordre de 3000°C.

Lors de la défaite de juin 1940, leurs travaux prirent fin, l'armée allemande ayant interdit les recherches sur les fusées. La Wehrmacht détruisit également le banc d'essai de Satory. Esnault-Pelterie, miné physiquement et psychologiquement se retira à Genève où il mourut en 1957.

Cependant, le Lieutenant Barré tenait à poursuivre ses travaux en contournant les obligations imposées par l'armistice. Il rédigea un mémoire sur les différents types de projectiles autopropulsés et réussit à convaincre le Service Technique de l'Artillerie, qui avait été clandestinement reconstitué en zone libre sous l’appellation de Service Central des Marchés et de Surveillance des approvisionnements, de le laisser entreprendre la construction d'une fusée. 

L'équipe d'une dizaine de personnes qu'il put rassembler s'installa dans l'arrière-cour d'un immeuble de la Croix-Rousse à Lyon. En mars 1941, les principales caractéristiques de cette fusée, baptisée EA 1941 (EA pour "engin autopropulsé") étaient arrêtées : elle devait peser 100 kilogrammes et posséder un moteur délivrant une poussée  d'une tonne pour une portée de 100 kilomètres.

Pour ne pas éveiller l'attention des Allemands, les premiers essais moteurs furent menés dans la plus grande discrétion au camp militaire du Larzac les 15 novembre 1941 ainsi que les 17 et 18 mars 1942.

Ces essais furent des échecs. L'organisation du banc d'essai fut mise en cause  et dut entièrement être réétudiée. Trois nouveaux tirs statiques eurent lieu, cette fois avec succès, les 23 juillet, 12 août et 24 septembre 1942, sur un nouveau banc d'essai construit au fort de Vancia à proximité de Lyon. Une fusée complète avait même été testée au banc et une campagne de tir réelle fut envisagée. Fort de ce succès, Barré fut promu capitaine.

La conquête spatiale sous l'occupation (1939/1945) Zea1941
Jean-Jacques Barré tenant un exemplaire de la EA 1941

Afin de poursuivre les recherches de l'équipe dans de meilleures conditions, une mission de prospection fut envoyée en Afrique du Nord française pour trouver un champ de tir approprié, mais le projet resta sans suite en raison du débarquement anglo-américain en Afrique du Nord le 8 novembre 1942 et de l'invasion de la zone libre par les Allemands.

Le matériel resté à Marseille fut dissimulé à la hâte. Le capitaine Barré dut ensuite garder la clandestinité et de se contenter de recherches théoriques jusqu'à la fin de la guerre. Il fournira cependant des esquisses de sa fusée aux services de renseignements britanniques qui cherchaient alors à cerner les caractéristiques de la fusée allemande A4/V2. 

A la libération, le capitaine Barré reprit ses travaux (septembre 1944). Paris avait été la cible de fusées allemandes et l'intérêt de ces dernières n'étaient plus à démontrer. La société de mécanique SAGEM fut chargée de la fabrication des premières fusées EA 1941 et une campagne de lancement fut organisée au polygone de la Renardière, situé dans la presqu'île de Saint-Mandrier, en face du port de Toulon.

Deux fusées EA 1941 y furent donc tirées le 15 mars 1945, mais les deux explosèrent peu de temps après avoir quitté la rampe. Il fallu attendre la campagne de tir s'étendant du 6 au 18 juillet 1945 pour voir voler la EA 1941 avec un quasi-succès (apogée de 60 kilomètres).

La conquête spatiale sous l'occupation (1939/1945) Ea1941_1
Un des ultimes exemplaires de EA-1941 avant le passage aux modèles EA 1946 et EOLE

Après ces vols, le capitaine Barré entreprit diverses améliorations de sa fusée et dans ce but, il fut invité à  accompagner en Allemagne le professeur Henri Moureu, grâce auquel l'Armée française s'intéressait à l'étude et à la production de la fusée A4/V2.

Mais la suite est une autre (longue) histoire  Super 

Pour tous ceux qui s'intéressent à cette période, je vous recommande chaudement ce livre d'où sont issus la plupart de mes sources : Oliver Huwart, Du V2 à Véronique, la naissance des fusées françaises, Marines Editions IBSN 2-915379-19-X
Tallinn
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très intéressant Tallinn !
Gergovi
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Ah oui merci de ce petit récit.
J'aurais appris des trucs ce soir  Super
lionel
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Ah ben moi aussi.
Merci pour ce très pertinent article. Franchement très intéressant.
Finalement, je comprend que la wermhart a causé l'abandon des recherches spatiales a satory alors que les premières fusées étaient déjà en phase de test sur banc. Si j'ai bien compris, les travaux de R&D furent complètement stoppés entre 1942 et 1945. Qu'en aurait il été de la guerre avec l'aide du spatial de monsieur Barré? Aurait il eu asse de temps pour développer un engin spatial ayant le potentiel d'aider les armées alliées en 44? Ca fait peut être tôt quand même. ...ok.
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Sidjay

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De rien, merci à tous ! C'est un plaisir de partager ces infos avec vous Super 

En fait, les Français étaient extrêmement en retard sur les Allemands et ce même malgré les travaux du capitaine Barré. Je ne pense pas que les Français auraient pu combler le retard lorsque l'on compare la différence entre les moyens alloués aux militaires allemands et aux militaires français.

Paradoxalement, c'est le Traité de Versailles qui a pu créer le terreau propice à l'avance allemande en termes de fusée.

Le Traité de Versailles interdisait aux Allemands l'accès à l'artillerie lourde ainsi que tout développement technologique de ce domaine. Pour contourner ces restrictions, l'armée allemande se tourna dès 1925 vers l'étude du potentiel des fusées à poudre comme engin de bombardement à longue portée. En effet, l'interdiction de développer des fusées n'était mentionnée nulle part dans le traité. A défaut de pouvoir améliorer l'artillerie conventionnelle, le Ministère allemand de la Guerre donna donc son feu vert dès 1929 pour le développement de fusées armées.

En marge de cela, les Allemands étaient passés maîtres dans la recherche des moteurs à carburants liquides dès les années 20, mais en raison d'un domaine complètement différent : celui de la course automobile ! Les pionniers en la matière étaient le Dr Paul Heylandt et Max Valier qui développèrent nombre de prototypes de voiture-fusée à carburants liquides. Dans le même temps, des sociétés d'astronomie allemandes s'inspirèrent des travaux de Valier et de Heylandt pour tenter d'adapter ces moteurs à carburants liquides au sein de mini-fusées. 

La conquête spatiale sous l'occupation (1939/1945) Valier_04
Max Valier au volant de son prototype n°6 équipé d'un moteur à carburants liquides

De leur côté, les militaires constatèrent que les essais sur les carburants solides piétinaient en raison des problèmes liés à l'instabilité de la combustion. Ils ont donc très tôt conclu qu'en mariant les études sur les fusées à poudre longue portée avec l'expérience des amateurs en termes de moteur à carburants liquides, ils franchiraient une étape décisive dans le développement de leurs fusées.

L'armée recruta donc les meilleurs spécialistes des moteurs à carburants liquides au sein des associations automobiles et astronautiques (dont un certain Wernher von Braun) et finança la construction d'un polygone de tir complet avec bancs d'essais à Kummersdorf, au sud de Berlin. Ce centre de tir était opérationnel dès 1929.

C'est sur ce pas de tir que furent mises au point les fusées Aggregat 1, 2 et 3 (Aggregat 4 développée plus tard dans les bureaux de Peenemünde, n'est autre que la fusée A4-V2).

Dès 1934, la fusée A2 vola avec succès jusqu'à une altitude de 2000 mètres. Rien comparé à sa petite sœur, la A3 qui pour un moteur d'une poussée de 1500 kilogrammes, 7 mètres de long et un poids au décollage de 600 kilogrammes réussit un vol de 12,1 kilomètres pour une apogée de 18 km (1938).

La conquête spatiale sous l'occupation (1939/1945) _kumme10
Une fusée A3 prête pour un tir statique - Centre d'essais de Kummersdorf, 29 novembre 1937

A cette même époque en France, Esnault-Pelterie et Jean-Jacques Barré en étaient encore à résoudre les problèmes liés aux températures de la chambre de combustion. Ce retard est imputable au manque de fonds et au fait que les équipes françaises ne pouvaient compter tout au plus que sur une équipe d'une dizaine de personnes pour le R&D ainsi que la manufacture des fusées. Les Allemands avaient, eux, des fonds importants et une équipe de plus d'une centaine de personnes travaillant sur les fusées à Kummersdorf, ce qui ne fit que creuser l'écart avec le reste des pays s'intéressant à cette technologie.

Comme quoi, le Traité de Versailles a eu des conséquences que l'on n'imagine même pas  :scratch: 
Tallinn
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L'effet papillon
lionel
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Exact ! Il ne nous reste plus qu'à envoyer une lettre à Buzz Aldrin pour lui expliquer que s'il a marché sur la Lune, c'est grâce à Clemenceau :iout:
Tallinn
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Encore un très passionnant article, merci.
En revanche, je me demande bien pour quelle raison l'armée allemande n'avait-elle pas utilisée ces fusées-bombes/missiles durant les opérations d'attaque alliée en juin 44. Cachait-elle son arme?
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Sidjay

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Sidjay a écrit:
Encore un très passionnant article, merci.
En revanche, je me demande bien pour quelle raison l'armée allemande n'avait-elle pas utilisée ces fusées-bombes/missiles durant les opérations d'attaque alliée en juin 44. Cachait-elle son arme?

Il me semble avoir lu/vu que les bombardements de 44 beaucoup endommagé les installations, justement.

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Sidjay a écrit:
Encore un très passionnant article, merci.
En revanche, je me demande bien pour quelle raison l'armée allemande n'avait-elle pas utilisée ces fusées-bombes/missiles durant les opérations d'attaque alliée en juin 44. Cachait-elle son arme?

De rien, avec plaisir  Super

Alors en effet, on peut se le demander. En ce qui concerne les A4/V2, les ingénieurs savaient que ceux-ci étaient encore bien trop imprécis pour pouvoir viser les plages du débarquement, ils ne s'en donnèrent donc même pas la peine. Les Allemands n'arriveront à obtenir des guidages satisfaisant que vers le début 1945. On peut bien s'en rendre compte en voyant où tombaient exactement les V2 destinés à frapper Paris. Ils frappent plusieurs fois en campagne ou en banlieue parisienne, puis on constate que les points de chute se rapprochent du centre de Paris vers la fin 1944.

En revanche, les Allemands auraient pu utiliser les V1 (beaucoup plus précis) contre les plages du débarquement, même si comme l'a dit Wakka, une bonne part des installations étaient mises hors service par les bombardements alliés. Les Allemands ne pouvaient donc envoyer qu'un nombre limité de V1.

D'ailleurs, Rommel fit la demande d'employer les V1 lors de la Bataille de Normandie (entre autres pour détruire les ports artificiels Mulberry A & B) deux jours après le débarquement. Hitler refusa tout net. Pour ce dernier, les V1/V2 ne pouvaient être destinés qu'à faire plier la population civile londonienne. Sans la supériorité aérienne de la Luftwaffe et l'envoi de V1, les Allemands ne pouvaient plus compter que sur les sous-marins mouilleurs de mines pour perturber les approvisionnements des plages.

A ce propos et toujours dans cette optique de frapper les civils, les ingénieurs de Peenemünde planchaient déjà sur la A9, une fusée pilotée par un pilote-suicide et qui pouvait frapper les États-Unis depuis l'Allemagne, il était même prévu que le pilote soit guidé par des balises radios équipant des U-Boot répartis dans l'Atlantique.

Pour rester dans le sujet des frappes lontaines, les Japonais de leur côté avaient réussi à frapper le territoire continental américain en utilisant des bombes conventionnelles et deux bombes contenant des bacilles d'Anthrax (le chiffre de deux est à confirmer, j'ai du mal à trouver des chiffres fiables sur la question) accrochées à des ballons dérivant le long du courant-jet. Elles tombèrent en pleine nature aux États-Unis, mais les impacts sont bien attestés. Il y a eu un documentaire à ce sujet sur Arte il y a un an ou deux il me semble...
Tallinn
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Tallinn a écrit:...
En revanche, les Allemands auraient pu utiliser les V1 (beaucoup plus précis) contre les plages du débarquement, même si comme l'a dit Wakka, une bonne part des installations étaient mises hors service par les bombardements alliés. Les Allemands ne pouvaient donc envoyer qu'un nombre limité de V1.

D'ailleurs, Rommel fit la demande d'employer les V1 lors de la Bataille de Normandie (entre autres pour détruire les ports artificiels Mulberry A & B) deux jours après le débarquement. Hitler refusa tout net. Pour ce dernier, les V1/V2 ne pouvaient être destinés qu'à faire plier la population civile Londonienne...
Comme résultat de cette folle stratégie, la plupart sinon toutes les rampes V1 construites (en dur mais endommagées voire mises complètement hors service par les bombardements d'avant D-Day) étaient orientées vers l’Angleterre et même s'ils étaient plus précis (tout est relatif, on parle de plus de 10 km autour du point visé, ce qui pour une plage peut conduire bien souvent "dans l'eau" ou sur les défenses allemandes), ils auraient beaucoup perdus cet avantage en devant faire un virage à 90° peu après le décollage. Une version aéroportée plus prometteuse avait été développée mais un peu tard pour être au point au moment du débarquement.
Les A4 avaient besoin, à l'instar de nos actuels missiles tactiques, d'une infrastructure sol bien plus légère et mobile pour être tirés mais avec effectivement une perte de précision à la clé (principalement due au facteur vitesse puisque le V2 vole 5 à 6 fois plus vite qu'un V1 que certains avions à hélice arrivait à suivre en piqué).
Kostya
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Tallinn a écrit:
D'ailleurs, Rommel fit la demande d'employer les V1 lors de la Bataille de Normandie (entre autres pour détruire les ports artificiels Mulberry A & B) deux jours après le débarquement. Hitler refusa tout net. Pour ce dernier, les V1/V2 ne pouvaient être destinés qu'à faire plier la population civile londonienne. Sans la supériorité aérienne de la Luftwaffe et l'envoi de V1, les Allemands ne pouvaient plus compter que sur les sous-marins mouilleurs de mines pour perturber les approvisionnements des plages.

Tallinn je me régal de vos connaissances.
Donc pour rebondir sur le point sus-cité. Lorsque vous dites "Hitler refusa tout net", cela signifie-t-il qu'il avait conscience que la puissance de feu dérivée de fusée n'était pas au point en juin44, tant pour faire plier les populations londoniennes que pour détruire les mulberry? Etait-il fasse au mur, sans aucun moyen d'utiliser cette force? Pour poursuivre sur un point de vue technique, connait-on les sites de lancement de ces fameuses V1/V2 et de quelle manière aurait-il pu faire feu sur les côtes normandes s'il avait suivit la demande de Rommel? (En clair, comment volaient les V1&2)
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Sidjay

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Tallinn a écrit:
En fait, les Français étaient extrêmement en retard sur les Allemands et ce même malgré les travaux du capitaine Barré.
(...)

Je ne voudrais surtout faire croire que les Français n'étaient pas en retard dans le domaine de la propulsion liquide, mais mentionner un aspect méconnu cité dans "L'histoire de l'armement français", Numéro spécial de la Revue historique de l'Armée, 1964

« TRAVAUX de DELORME, PICARD et LAGARDE
Entre 1925 et 1930, sous l'initiative de M. Jean Delorme, actuellement président directeur général de l'Air Liquide, M. Charles Picard, inventeur du chalumeau oxyacétylénique, et M. Lagarde, ingénieur à l'Air Liquide, effectuèrent un certain nombre d'essais de propulsion à réaction en utilisant des mélanges d'alcool et d'oxygène liquide.
En 1939, les services de l'Armement français étudièrent la possibilité de faciliter le décollage des bombardiers lourds, en leur adjoignant des propulseurs à réaction qui devaient être largués après le décollage. Il était prévu que ces moteurs devraient avoir une poussée de 500 daN pendant une minute.
Compte tenu de l'expérimentation faite précédemment, un contrat fut passé entre le ministère de l'Air et l'Air Liquide pour la mise au point de ces moteurs. Les travaux furent réalisés à Champigny, puis poursuivis quelque temps à la Seyne, avant d'être interrompus en raison de la Deuxième Guerre Mondiale.
Au cours de ces travaux, un propulseur d'une poussée de 50 daN environ fut mis au point et une étude assez complète de son fonctionnement fut effectuée. En particulier, on put mesurer les caractéristiques de fonctionnement en faisant varier de 5 à 30 bars les pressions dans la chambre de combustion. Ce moteur d'essai fonctionnait d'une manière satisfaisante pendant plusieurs minutes. »


Dernière édition par Starking le Mer 11 Juin 2014 - 13:18, édité 3 fois
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Starking

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Sidjay a écrit:
connait-on les sites de lancement de ces fameuses V1/V2

Et bien, je ne m'y connait pas des masses, mais j'habite dans le Nord-Pas-de-Calais et nous avons la coupole, ancien site de lancement de fusées V2 (et peut être de V1), aujourd'hui retransformé en musée.
Stikeurz
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sur l'usage  des V1 / V2 sur les plage de Normandie,
ne pas oublier que le haut état-major SS, à Berlin et tout spécialement Hitler,
était persuadé jusqu'au 8-9 juin 44 que la véritable attaque serait "forcement dans le pas-de-calais, comme prévu"
et donc pas question de les utiliser pour contré une attaque de diversion
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peronik

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Sidjay a écrit:
Tallinn je me régal de vos connaissances.
Donc pour rebondir sur le point sus-cité. Lorsque vous dites "Hitler refusa tout net", cela signifie-t-il qu'il avait conscience que la puissance de feu dérivée de fusée n'était pas au point en juin44, tant pour faire plier les populations londoniennes que pour détruire les mulberry? Etait-il fasse au mur, sans aucun moyen d'utiliser cette force? Pour poursuivre sur un point de vue technique, connait-on les sites de lancement de ces fameuses V1/V2 et de quelle manière aurait-il pu faire feu sur les côtes normandes s'il avait suivit la demande de Rommel? (En clair, comment volaient les V1&2)

C'est toujours un plaisir de partager !

En juin 1944, beaucoup de généraux (et entres autres Dietrich von Choltitz, le gouverneur général du Groß Paris) décrivent Hitler comme étant un homme "enfermé dans son monde et ayant perdu tout sens des réalités". Pour Hitler, le V1 tout comme le A4/V2 sont des armes de destructions massives alors qu'il en est rien. Le A4/V2 ne peut contenir une charge explosive que de 980 kg et le V1 de 847,11 kg. Un bombardier lourd comme le Dornier Do17, moins cher et beaucoup plus simple à produire pouvait accueillir, lui, jusqu'à 4000 kg de bombes. De nombreux militaires de la Luftwaffe auraient préféré que les ressources soient employées davantage dans le développement à grande échelle d'une force aérienne à réaction (les biographies d'ex-officiers de la Luftwaffe abordant ce point sont légion).

Quant on constate la capacité d'emport armé des V1, on imagine donc (comme la mentionné Kostya) que les dégâts sur les Mulberry auraient été marginaux et encore, à condition qu'au moins un des V1 vienne à toucher un objectif militaire valable. Car dès la phase de conception, les V1 et V2 ont été étudiés pour toucher des surfaces étendues comme des villes et non des points précis comme des bâtiments ou des unités militaires.

Cependant les Allemands avaient de puis longtemps l'intention d'améliorer la précision de leurs fusées ainsi que de leurs missiles.

Par exemple, entre 1943 et 1945, le bureau de Max Kramer travailla sur des plans de missiles air-air : le Ruhrstahl X-4. Celui-ci était étudié pour être lancé par des chasseurs dans le but d'atteindre des bombardiers depuis une distance les mettant à l’abri des mitrailleuses adverses. Le X-4 était filoguidé par deux fils de 5500 mètres de long et de 0,2 millimètres d'épaisseur. Même si le pilote assurait le filoguidage pendant les 3/4 de la partie du vol, le quart restant était assuré par un système de guidage indépendant basé sur une technologie issue des torpilles magnétiques et acoustiques équipant les U-Boot. Le X-4 eut le temps d'être construit en série (à environ 1300 exemplaires), mais n'eut le temps  d'être utilisé lors des combats. En revanche, il servit de base d'études pour la conception des premiers missiles français comme les missiles anti-chars SS-10 et SS-11. Les descendants directs en sont actuellement l'Euromissile HOT et le Milan.

La conquête spatiale sous l'occupation (1939/1945) X4-10
Ruhrstahl X-4
Dans le domaine des missiles radioguidés et non plus filoguidés cette fois, les Allemands eurent le temps de connaître le succès avec les fusées planantes Henschel HS293a. Celles-ci étaient larguées par un bombardier et était dirigée vers sa cible par signaux radio sur une partie du vol et par guidage autonome (comme sur les X-4) ensuite. 400 fusées planantes eurent le temps d'être larguées entre 1943 et mi-1944. 55 d'entre elles détruisirent des navires alliés et le reste fut employé contre des bâtiments ou bien des colonnes militaires ennemies. Elle a été également utilisée dans la Bataille de Normandie et détruisit des ponts sur la Sée et la Sélune.

La conquête spatiale sous l'occupation (1939/1945) Hs293b
Henschel HS293a

En ce qui concerne les bases fixes de lancement des V2 (hors Peenemünde qui était essentiellement un centre de R&D), il y en avait plusieurs dont celles du Nord-Pas-de-Calais, comme l'a mentionné Stirkeurz (Eperlecques et Wizzern entre autres). La Normandie avait également une base fixe de lancement de V2 à Sottevast, dans la Manche. Cependant le problème des bases fixes est qu'elles étaient régulièrement bombardées. Afin de pallier ce problème, les Allemands mirent au point des rampes de lancement mobiles. Un V2 dans ce cas de figure ne nécessitait qu'un camion-remorque portant le V2 (celui-ci était accorché sur une rampe qui se levait avant le tir à la manière des fusées russes d'aujourd'hui, d'un camion-citerne contenant l'alcool et l'oxygène liquide et d'une dizaine d'hommes). Suite à la libération de la France, les V2 seront lancés par ce moyen essentiellement depuis la Belgique occuppée.

Pour ce qui est de la trajectoire "classique" des V2, celle-ci dessinait une trajectoire parabolique d'une portée 320 kilomètres en moyenne pour un apogée pouvant aller de 80 à 90 kilomètres d'altitude. Un V2 lancé à la verticale pouvait, lui, atteindre 206 kilomètres d'altitude. Les V2 pouvaient suivre tous les azimuts de tir possibles.

En ce qui concerne les V1, la question des azimuts de tir est plus problématique. Comme l'a dit Kostya, ceux-ci étaient tirés depuis des rampes de lancement en dur et toutes tournées vers l'Angleterre. Il était possible de faire des ajustements minimes de cap entre la rampe et la cap visé, mais au pris d'une consommation supplémentaire en carburant. Ces rampes étaient réparties essentiellement sur la côte nord-ouest de la France, du Pas-de-Calais à la Normandie. Pour répondre à votre question, il aurait parfaitement été réalisable qu'un V1 soit tiré du Pas-de-Calais pour atteindre la Normandie, à la seule condition de construire une rampe de lancement offrant un azimut de tir dans la bonne direction.

Les V1 avaient un schéma de vol similaire à celui d'un avion avec un système de guidage extrêmement simple, du fait qu'il naviguait que dans la basse atmosphère au contraire du V2.

Le V1 comportait 3 gyroscopes et afin de désigner la cible à l'appareil, on entrait dans un compteur kilométrique n°1 la distance à parcourir avant que l'engin ne survole la cible. Le V1 possède une petite hélice fixée sur son nez, la vitesse de rotation de l'hélice permet donc de savoir la vitesse et par conséquent le nombre de kilomètres parcouru. Cette hélice entraînait un deuxième compteur. Lorsque la valeur du compteur 2 correspondait à celle du compteur 1, un mécanisme venait à couper les câbles du gouvernail de profondeur, mettant le V1 sur une trajectoire en piqué. Peu de temps après, le pulsoréacteur se coupait en raison du changement brusque d'altitude et le V1 venait à exploser au sol. Un V1 avait une portée d'environ 200 kilomètres, une altitude de croisière de 3000 mètres pour une marge d'erreur de 10 à 13 kilomètres environ.

La conquête spatiale sous l'occupation (1939/1945) 330px-Schema_V1.svg
Schéma simplifié du système de guidage du V1


Dernière édition par Tallinn le Jeu 12 Juin 2014 - 10:57, édité 2 fois
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Starking a écrit:Je ne voudrais surtout faire croire que les Français n'étaient pas en retard dans le domaine de la propulsion liquide, mais mentionner un aspect méconnu cité dans "L'histoire de l'armement français", Numéro spécial de la Revue historique de l'Armée, 1964

« TRAVAUX de DELORME, PICARD et LAGARDE
Entre 1925 et 1930, sous l'initiative de M. Jean Delorme, actuellement président directeur général de l'Air Liquide, M. Charles Picard, inventeur du chalumeau oxyacétylénique, et M. Lagarde, ingénieur à l'Air Liquide, effectuèrent un certain nombre d'essais de propulsion à réaction en utilisant des mélanges d'alcool et d'oxygène liquide.
En 1939, les services de l'Armement français étudièrent la possibilité de faciliter le décollage des bombardiers lourds, en leur adjoignant des propulseurs à réaction qui devaient être largués après le décollage. Il était prévu que ces moteurs devraient avoir une poussée de 500 daN pendant une minute.
Compte tenu de l'expérimentation faite précédemment, un contrat fut passé entre le ministère de l'Air et l'Air Liquide pour la mise au point de ces moteurs. Les travaux furent réalisés à Champigny, puis poursuivis quelque temps à la Seyne, avant d'être interrompus en raison de la Deuxième Guerre Mondiale.
Au cours de ces travaux, un propulseur d'une poussée de 50 daN environ fut mis au point et une étude assez complète de son fonctionnement fut effectuée. En particulier, on put mesurer les caractéristiques de fonctionnement en faisant varier de 5 à 30 bars les pressions dans la chambre de combustion. Ce moteur d'essai fonctionnait d'une manière satisfaisante pendant plusieurs minutes. »

En effet !

De plus, je reste persuadé (mais ça n'est qu'une intime conviction) que si l’État Major français avait considéré plus sérieusement la piste des fusées/missiles comme armes offensives surtout au vu des rapports d'espionnage qu'ils recevaient d'Allemagne, ils auraient alloué plus de crédits et surtout de moyens humains et matériels à Esnault-Pelterie, Barré, Delorme, Picard, Lagarde et bien d'autres - il n'aurait pas été impossible que la France aie pu égaler l'Allemagne sur ce point en 1940.

Ça n'aurait pas changé le cours de la Bataille de France, vu que la technologie des fusées lourdes n'avait pas encore atteint le seuil critique d'exploitation militaire, mais le progrès technique des fusées lourdes aurait été dans les mains des Alliés pour la suite des événements.

Le hic est que lorsque l'on analyse le contexte politico-militaire de la France des années 30, on constate tristement que beaucoup de politiciens et de militaires furent incapables d'appréhender les enjeux de leur temps : tant du point de vue stratégique, technique que militaire... Heureusement que d'autres furent bien plus visionnaires. Mais pour leur (et notre) malheur, ce n'était pas eux qui étaient aux manettes à ce moment-là.
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Pour répondre à votre question, il aurait parfaitement été réalisable qu'un V1 soit tiré du Pas-de-Calais pour atteindre la Normandie, à la seule condition de construire une rampe de lancement offrant un azimut de tir dans la bonne direction.

Donc, pourquoi ces rampes de lancements n'avaient-elles pas été conçu de sortes à pouvoir pivoter, afin de tirer "tous azimuts"?
(Je note cependant que l'objectif premier des V2 étaient de frapper l’Angleterre et que les pas de tir avaient été détruits par les forces alliées, comme indiqué plus haut....)
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